Départ à l'hôpital, monsieur chéri-chéri l'accompagne, prévenant, adorable comme d'habitude. Elle appréhende un peu le sang, les piqûres. Depuis l'enfance, elle développe une sorte de phobie.
Elle le sait, ses organes s'empoisonnent, s'abiment,. Ce fer s'infiltre partout et cette image la fait frissonner. Chaque lundi, c'est ainsi. Un rituel. Elle, la rebelle, est là, soumise à la médecine, tendant son bras vers une machine vampire qui la suce.
Et puis des jours durant, son corps reconstituera le suc essentiel et sa vitalité peu à peu ré-énergisera son corps affaibli.
Elle songe à tous ces malades, à son voisin qui lutte contre un crabe pernicieux. Elle se sent de la même famille. Elle leur insuffle un soutien sans faille, de belles images positives, une joie de vivre contagieuse, un rire ressourçant, une main chaleureuse, une empathie attentive et une présence tactile et fraternelle pour ceux qui s'envoleront vers un ailleurs inconnu.
En son for intérieur, elle vibre, elle s'ébroue, secoue cette torpeur qui l'ankylose, cette vague peur de la maladie. Un appétit de vivre la submerge, elle veut habiter son corps, le sentir, le ressentir dans sa fragilité, elle veut débusquer la moindre de ses sensations, de ses émotions, les savourer, les faire éclore du plus profond de son être.
Elle s'allonge, son regard perdu vers cette ligne bleue de la mer et laisse vagabonder son esprit. Des réminiscences la caressent, la mordent. Elle ne les retient pas. Elle les laisse filer, flottant entre veille et sommeil. Elle se complait à s'immerger dans ses images intérieures, rêve à la petite fille qu'elle fut. Lui a-t-elle été fidèle ? serait-elle fière d'elle aujourd'hui ?
Elle se rappelle la recherche spirituelle de l'adolescente, ses grands élans généreux, ce lyrisme dont elle couvrait des pages et des pages. Ses rêves d'antan, ses idéaux d'égalité, de fraternité, cette volonté de secourir son prochain, d'avoir un métier-passion, cette sensualité, cette sensorialité, ingrédients de son bonheur futur. Elle le savait, son destin serait fait de don de soi, de spiritualité, d'enthousiasme, d'amour, de rire aussi.
"Et aujourd'hui que sont tes rêves devenus ?" se questionne-t-elle ? Elle aime ce qu'elle est aujourd'hui. Elle ne s'est pas trop perdue en route, s'est certes dépouillée de son exaltation de jadis mais elle a bien tenu le fil d'Ariane de son enfance. Parfois, il lui a un peu échappé, quelques noeuds difficiles à défaire ont enrayé sa marche. Elle s'est libérée de bien des entraves maternelles que l'adolescente d'hier voulait ignorer dans sa belle ardeur. Elle a continué son chemin de vie, riche d'expériences nouvelles.
Sa spiritualité mise en sommeil pendant sa vie adulte s'éveille aujourd'hui et se nourrit jour après jour.
Elle sourit de bonheur à cette maladie, cadeau-fardeau de ses aïeux. Elle adresse un signe de tendresse à son enfant intérieur avec lequel, peu à peu, elle se réconcilie. Elle a encore un pas à faire pour prendre bien soin de lui, elle le sait, elle le fera.....En son temps.
Une nouvelle ère s'ouvre devant elle.
Et vous mes aminautes,
après vous être imprégnés de cette situation vécue,
qu'en pensez-vous ?
est-il souhaitable d'être fidèle à l'enfant de jadis, à ses rêves
ou bien laisser la vie vous emmener sur un autre chemin ?
Et la maladie est-elle une porte ouverte
à l'enrichissement intérieur
ou bien une épreuve contre laquelle il faut lutter
ou les deux à la fois ?